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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/187

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L’ANTIGONE DE SOPHOCLE

du culte rendu aux morts et l’accomplissement des devoirs civiques ; l’extinction d’une famille était considérée comme un dommage pour la religion et pour l’État. Tout le droit successoral, comme on le voit clairement par les plaidoyers d’Isée et de Démosthène, se fondait sur ce principe. Ainsi l’héritage, avec les droits et les devoirs qui y étaient attachés, appartenait au fils ; la fille, si elle avait un frère, ne recevait qu’une dot. Elle savait que son frère était le continuateur de la famille, et que seul il aurait droit, après sa mort, de recevoir des autres membres, en cette qualité, les honneurs traditionnels prescrits par la religion.

Quand on se représente ces mœurs et ces institutions, on est moins étonné du langage d’Antigone. D’après les idées athéniennes, elle a rempli son devoir, et c’est le témoignage qu’elle se rend à elle-même, lorsque, condamnée par le sort, et, semble-t-il aussi, par les hommes, elle envisage sa conduite et obéit au besoin de se confirmer dans le sentiment de son droit. À ce moment, les transports auxquels elle s’abandonnait naguère, ont fait place chez elle, comme chez la Phèdre d’Euripide, à un état plus calme, où elle reprend possession de sa pensée : elle s’examine, se juge, et prononce qu’elle a bien fait. Ce n’est pas que toute autre eût été capable d’agir comme elle ; mais elle a poussé