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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/20

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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

Peut-être en réalité n’y a-t-il pas lieu de s’étonner que ces agitations n’aient pas été contraires au développement de la philosophie. On conçoit que certains esprits, fatigués de ces troubles, s’en soient dégagés par l’élan de la pensée, qu’ils aient dominé cette matière changeante de la destinée humaine par une indifférence ou une sagesse supérieure, qu’ils aient, eux aussi, déplacé leurs espérances et cherché en eux-mêmes ce que leur refusait l’incertitude du sort, l’équilibre et la paix. Ce Cadmus, dont le nom se rencontre dans les traditions sur Épicharme, est un exemple de ces dispositions morales qu’éveille parfois le sentiment de l’instabilité au milieu des commotions du présent ou des menaces de l’avenir. Hérodote raconte avec admiration qu’il abandonna « volontairement, sans y être déterminé par la crainte d’aucun péril, par esprit de justice, » la tyrannie de Cos, que son père lui avait transmise très solidement établie, et qu’il s’expatria. L’historien semble oublier qu’à ce moment la prise de Milet mettait fin à la révolte des Ioniens et que le grand conflit de la Grèce et de la Perse allait éclater. En tous cas, que Cadmus obéît à un calcul de prudence personnelle ou cédât à un élan de patriotisme hellénique, il ne trouva dans sa nouvelle patrie ni le repos, ni l’indépendance, ni ce régime de justice dont il paraissait épris. Il avait suivi une colonie de Samiens que les