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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

pénétrante la souffrance de la nature, qui apparaît, aux yeux d’un amant, désolée par l’absence de sa maîtresse ; mais comparez au grec : comme tout, dans ce passage et ailleurs, est d’une poésie plus pleine, plus mollement abandonnée, plus vivante ! Il y a des traits que le poète latin, qui pourtant choisit et prend partout la fleur, n’essaie même pas de rendre ; par exemple celui-ci :

« Non, ni les domaines de Pélops, ni l’or de Crésus, ni une vitesse qui devance les vents ne me tenteraient ; mais sous ce rocher te tenant serré dans mes bras, je chanterai en regardant mes moutons paissant ensemble et la mer de Sicile. »

Quel tableau bien grec de volupté pastorale ! Mais laissons le détail qui nous entraînerait à citer indéfiniment, et continuons à marquer d’une manière générale les formes et les progrès du chant alterné ou, suivant l’expression grecque, amœbée.

Dans la viiie idylle, cette perle du recueil de Théocrite, la lutte à la fois ardente et aimable des deux beaux enfants se compose de deux parties. La seconde rappelle par la disposition les deux chants qui terminent la xe idylle et que nous avons cités plus haut. Chacun des chanteurs récite tour à tour et de suite quatre couplets de vers dactyliques. Tous deux s’y renferment dans la réalité de leur vie pastorale ; mais le second, Daphnis, le