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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

chacun conserve toute sa liberté d’allure. Ce qui établit entre eux un caractère commun et les rattache au genre bucolique, c’est la nature des idées, la langue et le rythme.

S’il semble que le bucoliasme ait dû son origine à des dialogues improvisés pendant la célébration d’une fête d’Artémis en Sicile et en Italie, il était dans la nature des choses que ces bergers chanteurs exerçassent leur talent ailleurs que dans ces occasions solennelles. Une fois retournés dans leurs montagnes, non seulement ils pouvaient se préparer entre eux à ces assauts poétiques et les renouveler dans ces encadrements pittoresques que Théocrite et ses imitateurs se sont plu à nous retracer ; mais, sans nul doute, en dehors de ces luttes d’improvisation, ils composaient à loisir dans les solitudes où ils gardaient leurs troupeaux. Théocrite dit lui-même par fiction dans l’idylle viie : « Vois si tu aimerais ce petit chant que j’ai composé naguère dans la montagne. » De là des chansons apprises et répétées, humbles monuments de la muse pastorale, transmis de génération en génération comme les nobles rapsodies de l’épopée. C’est ainsi que durent se conserver les vieilles légendes siciliennes de Daphnis et de Comatas. Un berger, renommé pour son talent de poète ou de chanteur, disait, à la joie de son public champêtre, la chanson de Comatas ou la chanson de