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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/282

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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

oppose ses propres malices : il feint d’aimer une autre femme ; il excite et fait aboyer contre elle son chien, qui naguère l’accueillait par de doux jappements et des caresses. Si on l’en croit, la néréide ne se borne pas à le regarder de la mer ; mais quelquefois elle en est sortie pour entrer dans sa grotte. Il se la figure consumée de jalousie et suppliante à cette porte qu’il brûle de lui ouvrir. Théocrite a donc cru nécessaire, pour ne pas rester sous l’impression de ces bergeries, qu’à la fin une image ingénieusement amenée fit voir nettement le Cyclope avec sa figure traditionnelle.

Telle est la nuance qu’il a imaginée et rendue dans la vie idylle. On peut se demander, en la lisant, si Galatée est complètement insensible à l’amour de Polyphême ; elle s’occupe tant de lui qu’on peut croire qu’il ne lui est pas indifférent. Dans la xie idylle, il n’y a pas lieu à une pareille question. Sans doute Théocrite y modifie aussi la légende dans le sens de la pastorale gracieuse. « Je t’aimai pour la première fois, ô jeune fille, quand tu vins avec ma mère cueillir des fleurs d’hyacinthe sur la montagne. Moi, je vous servais de guide. » Dans ces jolis vers, dont l’idée a été vulgarisée par l’imitation de Virgile, qui reconnaîtrait la néréide, et la terrible Thoosa, et le farouche Cyclope des mythes primitifs ? Thoosa cueille des fleurs dans la montagne, et, si Polyphême se souvient de la