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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

de vérité champêtre et d’élégance plus relevée. La jeune fille, que le berger s’efforce d’attendrir par la peinture de ses souffrances, se cache dans une grotte toute revêtue de lierre et de fougère ; et après avoir essayé de la toucher par ses plaintes, comme dernier moyen de séduction, il lui dit une chanson sur des légendes amoureuses. La grâce des mœurs pastorales, le ton de la jeunesse, la naïveté du sentiment, des mouvements de passion tendres et à demi incohérents, de modestes élans d’imagination : voilà ce que Théocrite avait rassemblé dans un ensemble plein de vie. Il reprit la plupart de ces éléments dans son second poème. Rien de plus intéressant que de retrouver ce travail intime d’un artiste supérieur, occupé d’une même idée et la transformant sous l’impression différente d’un nouvel aspect. N’est-ce pas, sinon pénétrer dans les mystères de l’inspiration, du moins arriver jusqu’au seuil et soulever un bord du voile ?

Tout d’abord, avec la netteté et l’expressive simplicité d’un grand poète, Théocrite rend la pensée principale du sujet et nous l’imprime dans l’esprit et dans les yeux. En quelques vers, il nous montre toute la grandeur du paysage sicilien, le Cyclope dans son attitude consacrée, assis sur un rocher élevé et chantant, les yeux fixés sur la mer ; et en même temps il nous fait sentir la profondeur