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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/287

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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

contenait une mention très claire, que nous avons relevée. Ici l’allusion, très indirecte, se tourne en un mouvement passionné où se retrouve le souvenir du moyen employé par Ulysse pour punir son ennemi :

« Si je te parais trop velu, j’ai chez moi du bois de chêne et du feu qui vit sous la cendre : je supporterais de me sentir brûler par ta main, même l’âme, même cet œil unique, mon bien le plus doux. »

Quelle intensité de passion dans ces derniers mots, pourtant d’une recherche si fine ! Voilà quelques-uns des traits par lesquels Théocrite invente de nouveau la figure du Cyclope, et crée cette image définitive que toute l’antiquité a consacrée de son admiration.

Il faut avouer que le sujet prêtait beaucoup aux effets pittoresques. Le tableau principal était déjà dans Philoxène, qui, sans doute, ne l’avait pas inventé. Son Polyphême chantait sur la lyre au bord de la mer ; comme celui de Théocrite, il adressait à Galatée des apostrophes passionnées : « Galatée au beau visage, aux boucles d’or, à la voix pleine de grâce, ô toi, beauté des amours… toi, toute blanche, toute de lait !… » Et il chargeait les dauphins d’aller dire à sa maîtresse que les muses le consolaient de ses mépris. Voilà le fond du sujet : le Cyclope chantant Galatée sur le rivage et deman-

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