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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

sa raison. Comme dit la langue française, qui ne s’attendait guère à figurer en ce débat, il est le jouet d’une chimère.

Ce n’est pas tout. La science étymologique et la mythologie réunies vont nous donner satisfaction au sujet de la première des trois femmes, l’épouse légitime, Naïs, qui paraît bien négligée dans ce conflit de passions. S’il n’est plus question d’elle, cela tient à sa nature, clairement indiquée par son nom. Naïs est le même mot que Naïade ; il s’agit donc de la nymphe d’une source. Or, l’exemple de Thétis et de Pelée l’a prouvé, les déesses des eaux, quand elles s’unissent à un mortel, restent toujours attachées à leur élément et ne font que de rares visites à la demeure de leurs époux humains. Ces sortes de ménage restent donc assez froids.

Ne soyons pas trop sévères pour l’érudit intelligent qui s’est laissé entraîner à ces bizarreries. La mythologie grecque est pleine de séductions et de mirages. C’est un composé de sensations naturelles, de rapports logiques, d’associations accidentelles, d’imagination, qui provoque et déroute l’analyse ; et ceux-là seuls sont à l’abri des erreurs, qu’elle n’intéresse pas assez pour qu’ils éprouvent le besoin d’en pénétrer le sens. Mais, évidemment, il ne faut pas ajouter à la difficulté du travail en y introduisant des complications arbitraires et en con-