fondant ce qui est distinct. Tel est le cas pour le Daphnis de Théocrite. Si l’on a tant de peine à concilier entre eux les divers passages du poète, c’est que, dans sa pensée, ils ne se concilient pas. C’est ce qui a été très nettement vu par M. Kreussler[1] et par l’excellent éditeur de Théocrite, M. Herm. Fritzsche. Les modernes ont été souvent dupes d’une illusion logique qui rattache à l’enchaînement exact et rigoureux d’une même légende les différentes œuvres d’un poète grec sur le même sujet. Ni pour les tragiques ni pour les lyriques comme Pindare, il n’en était ainsi. Telle était la liberté laissée par le complexe développement de la mythologie, que chacun pouvait choisir tantôt une version tantôt une autre, ou même y introduire sa propre pensée. Ainsi chaque œuvre, composée sous l’impression exclusive d’une conception particulière, existait, pour ainsi dire, par elle-même ; elle avait son sujet, sa nature, sa couleur à elle. Le poète y était indépendant des autres et de lui-même. Voilà ce qu’il ne faut pas oublier. C’est là le premier point pour ne pas fausser l’interprétation de Théocrite. Le Daphnis de la viie idylle, malgré des rapports fondamentaux, n’est pas le même que le Daphnis de la ire. Il paraît dans deux versions différentes de
- ↑ Observat. in Theocr. carmen I, p. 10.