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ÉPICHARME

C’est ce que prouverait aussi, si on l’admettait, l’ingénieuse et vraisemblable explication que Welcker[1] a donnée du vers célèbre : « C’est l’esprit qui voit, l’esprit qui entend : tout le reste est aveugle et sourd. » Xénophane avait dit de Dieu : « Tout entier il voit, tout entier il comprend, tout entier il entend. » Dans le grec, il y a un rapport sensible entre les deux vers, et il n’est pas impossible que l’opinion pythagoricienne sur la distinction de l’âme intelligente et du corps ait été ainsi opposée au panthéisme éléatique, qui voyait dans toutes les opérations de l’intelligence et des sens la divinité elle-même, une et indivisible. Dans ce mouvement de la pensée grecque, si active à cette époque, un esprit comme celui d’Épicharme s’éveillait à bien des impressions qui lui suggéraient des idées et des formes. Il se faisait ainsi comme un fonds commun où se reconnaît souvent l’esprit philosophique en général plutôt qu’une doctrine déterminée. Ainsi, ce n’est pas particulièrement un pythagoricien ou un disciple d’Héraclite, c’est en général un penseur qui, dans un petit dialogue d’un ton familier, se sert des procédés d’une dialectique élémentaire pour distinguer l’abstrait du concret, l’art de l’artiste et enfin le bien de l’honnête homme, en concluant que le bien existe en soi, et qu’on apprend

  1. Epicharmos, note 27 (Kleine Schriften, t. I, p. 353).

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