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L’ALEXANDRINISME

tal : le degré d’originalité et de puissance de l’art alexandrin chez le premier poète de l’école. Tel est, en effet, nous l’avons dit, le mérite de la Médée d’Apollonius : elle donne la mesure de cet art, elle en est l’œuvre durable et féconde. Très grecque de style et de couleur, elle a en même temps un caractère très moderne par la nature de l’expression des sentiments, car elle contient la première peinture détaillée de la passion dont, après tant de siècles, le théâtre et le roman vivent encore. Après le coup soudain qui fait naître dans le cœur de Médée cette passion et par lequel le dieu antique prend souverainement possession de sa victime, que de traits, alors nouveaux, se retrouveront dans cette riche littérature de l’amour où se répandra, depuis Virgile, l’imagination des poètes et des romanciers ! Un progrès fatal à travers les combats, les alternatives, les contradictions ; le trouble de l’âme qui se trahit à l’extérieur par l’altération subite des traits, par les mouvements et les attitudes ; une foule de passions secondaires et d’émotions se rattachant à la passion principale : l’admiration, la pitié, la jalousie naissante, l’ardeur du dévouement, l’égarement de l’imagination ; le chagrin et le désespoir, même avant tout événement ; le dégoût de la vie, qui cède brusquement à une rébellion de la nature et de la jeunesse : on pourrait prolonger l’énumération de ces délicates