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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/80

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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

les œuvres d’un art plus délicat et la marquait d’un signe de noblesse qu’elle devait garder dans toute l’antiquité. Ce n’était pas le principal : Épicharme la constitua surtout par l’invention de la fable, c’est-à-dire par la conception et le développement d’une action régulière. C’est ce que fait nettement entendre le témoignage d’Aristote ; il est même à remarquer que, dans la pensée du grand critique, la comédie d’Épicharme semble se lier directement à celle de Ménandre : il paraît faire abstraction de l’ancienne comédie athénienne qui, pour lui, n’est qu’une déviation ; car, engagée dans ce qu’il appelle la forme ïambique, c’est-à-dire entravée dans sa marche par les fantaisies de la satire personnelle et par la liberté des allusions, elle n’atteint pas à ce degré d’indépendance et de généralité que demande le drame.

Cette rigoureuse théorie du philosophe est favorable à Épicharme, puisqu’elle lui assigne l’honneur d’ouvrir à l’art la voie droite et légitime. Cependant, en un sens, elle lui fait tort ; car l’exposition trop sommaire qu’on lit dans la Poétique ne dit pas tout ce que l’ancienne comédie, — cette vive production de l’esprit athénien, dont le silence d’Aristote ne peut diminuer la valeur — avait emprunté aux exemples du comique sicilien. Sans parler de certaines pièces de Cratès, de Phérécrate, d’Hégémon de Thasos, même de Cratinus, où, soit