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rai défuntisé… C’est le docteur qui me l’avont dit… M’sieu le curé itout m’avont préparé pour le grand voyage… Et puis, j’voyons plus ben clair…

— Où est Jacques ? demanda le jeune homme, chagrin, parce que son frère n’était pas au chevet.

— Il doit être en haut ; je l’avons entendu marcher y a pas cinq minutes… Un instant, mon gars, ajouta-t-elle en retenant par la manche de son tricot Abel, qui se levait pour aller chercher Jacques.

T’as toujours été un bon fils pour moé, dit-elle, le bon Dieu t’en bénira… Écoute-moé ben… avant que de défuntiser, j’avons une faveur à te demander… Jacques est pas fort ; l’état de pêcheux est un métier trop dur pour lui : ça le tueriont… Y tient ça de mon défunt homme, qui s’étiont morfondu à la besogne… Y a ben souffri… Promets-moé de m’remplacer auprès de ton frère…

— J’le promettons, répondit Abel, les yeux humides.

— J’avons encore d’aut’chose à te demander, mon gars, continua la veuve de Rémi Horth, en prenant entre les siennes les mains de son fils. J’avons jamais osé parler de ça à mon homme de son vivant, mais, tous les jours, j’avons pensé… à envoyer Jacques au collège… Promets-moé de le faire éduquer.

Et la mère regarde son fils avec des yeux qui sont tout un monde de mystère et d’amour.

Abel, qui aimait bien son frère, mais encore mieux sa mère, fut quelques secondes sans répondre. Comment