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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/99

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Et, quand il était passé devant la grande croix noire entourée de la clôture en bois, il s’était signé avec un soupir de douleur.

Abel poussa la porte d’une maisonnette à mansarde.

Il franchit la cuisine, qui sert de salle à manger, et entre dans la pièce voisine que sépare une mince cloison de planches brutes.

Dans un coin, sur un grabat, gît une femme.

Près de la couche, on voit une table de bois blanc couverte de remèdes et d’un crucifix en plâtre.

La pauvre femme paraît immobile. Ses regards sont fixés sur la cloison, où une main pieuse a broqueté quelques lithographies religieuses que l’âge a jaunies.

Les joues creuses et ridées de la malade ne sont pas plus jaunes. Les cheveux en broussailles, ni blancs ni gris, ont cette teinte de la première neige d’hiver qui disparaît au lever du soleil.

Sur le seuil, Abel s’est arrêté.

Il ne sait pas si sa mère dort, ou bien si, dans le silence glacial de la chambre, ce n’est pas la mort qui a passé par là.

— C’est toé, Abel, demande la malade, sans retourner la tête.

— Oué, mère… Comment ça va ?

— J’étions ben mal « épinglé »… Approche.

Le jeune pêcheur s’avança timidement. Ce squelette vivant qu’il avait là, devant les yeux, n’allait-il pas entr’ouvrir une des portes de l’éternité ?

— Betôt, mon gars, dit la mère d’une voix basse, j’au-