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charné, traça dans l’air un signe de croix qu’elle ne put achever…

La main était retombée inerte le long du grabat…

***

Abel venait de rentrer après avoir tendu ses rets.

Dans le ciel sans lune les nuages s’amoncelaient, et les vents d’aval chassaient les vagues sur la grève avec un bruit de canonnade dans le lointain.

Çà et là dans le village, trouant les ténèbres, qui se font tôt en octobre, brillaient de petites lumières.

Abel alluma la chandelle de suif et mit le loquet aux portes.

Comme il avait soif, il souleva la chaudière de ferblanc, sous l’escalier, et but à même l’ustensile, essuyant, du revers de sa main, sa forte barbe noire.

Revenu à la table, où il y avait des restes du repas du soir, il s’assit, la tête dans ses mains, et songea longtemps à sa mère défunte, à son frère, à Françoise la blonde.

Son profil se dessinait en silhouette sur la cloison de planches brutes. Il n’entendait que le vent, qui faisait craquer la mauvaise charpente, et les lames qui venaient se briser contre la falaise.

Soudain, le chien d’Abel, qui veillait sous le poêle, gronda sourdement, puis se mit à aboyer.

Abel tressaillit.