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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/103

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Dans cette maison où il vivait seul depuis plus de douze ans, personne n’en avait franchi le seuil après le coucher du soleil.

Et quelqu’un frappait à la porte.

— Qui va là ? demanda-t-il à voix haute, sans bouger de son siège.

— Moi, Jacques, ton frère.

— Ah ! c’est toé, fit Abel en ouvrant.

Il enleva de dessus un coffre son suroît et ses bottes de caoutchouc…

— Assis-toé là, dit-il, c’est pas un trône, mais ça vaut encore mieux que ma chaise, qui boite autant que l’vieux Samuel.

As-tu fret, continua-t-il, empressé, j’m’en vas faire du feu ? Car, tu sais, moé, j’pensons pas à ça.

— Non, merci, répondit Jacques, je n’ai pas froid.

Au fait, poursuivit-il, il y a quelque temps que je ne t’ai vu… Comment te tires-tu d’affaires ?…

— Oué, y a queq’temps… murmura le pêcheur, en baissant la tête avec tristesse.

Sais-tu, mon Jacques, qu’y a betôt deux mois que je t’avons pas vu…

— Oh ! prétexta le nouveau médecin de Paspébiac, les visites, les consultations… je n’ai pas un moment à moi…

— Oué, oué, j’comprends ça. Tout de même que c’est ben triste de pas s’voir plus souvent… J’avons fait un p’tit saut à ta maison ben des fois, mais le guignon me poursuit… t’étais toujours sorti… Ensuite… j’ai-