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Il marchait la tête basse.

On venait dans sa direction.

Il allait céder le pas quand un flot de sang monta de son cœur à sa figure…

— Françoise !… s’écria-t-il.

C’était comme s’il eût retrouvé un être adoré que l’on croit à jamais perdu.

Tous deux s’arrêtent.

Abel lève les yeux.

La grande croix noire du calvaire se trouve devant lui…

Il frémit…

Lui faudra-t-il donc, lui aussi, boire jusqu’à la lie le calice de la douleur ?…

Il regarde la jeune fille, radieuse dans la paix ambiante de la tombée du jour, sa beauté blonde et fraîche tout ensoleillée, se découpant merveilleusement sur le fond bleu de la mer endormie.

— Françoise, dit Abel, ignorant des roueries du langage, tu m’en voudras pas si ce que j’allons te dire te surprend ?… J’t’avons jamais fait d’avances, mais t’as p’tet ben cru qu’un bon jour j’te demanderions pour ma femme…

— Abel, tu as toujours été bon et gentil pour moi, répond Françoise en rougissant, mais une honnête fille ne doit pas faire de ces calculs.

— Eh ben ! Françoise, j’y avons pensé pour tout de bon depuis queq’jours, et j’métions dit comme ça que j’me marierions jamais…