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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/11

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trême, jamais il ne mettait le nez dehors sans son parapluie, — j’allais dire son parachute, — d’un noir qui se rapprochait plus du sang de bœuf que de l’encre de Chine. Pleuvait-il ou neigeait-il, mon oncle dressait sa tente au-dessus de sa tête, afin de protéger son chapeau contre la pluie ou la neige fondante. Faisait-il beau, vite il ouvrait tout grand son parachute pour se garer des rayons du soleil qu’il trouvait toujours trop ardents.

Voilà comment le castor et le parachute avaient acquis, dans la paroisse, la réputation de deux inséparables.

Quand mon oncle était en train, il arpentait lestement la route, son castor rejeté en arrière de la tête. Le 24 juin surtout, le malheureux castor faisait des efforts inouïs de saltimbanque pour se retenir au crâne dénudé du vieux. Entre nous, je vous avouerai une chose. Mon oncle n’était pas un ivrogne. Ah ! pour ça, jamais de la vie. Mais… mais… comment dirai-je ? Il lui arrivait de se hasarder dans les vignes du Seigneur trois fois l’an : le premier de janvier, à Pâques, et, comme c’était un bon patriote, à la Saint-Jean-Baptiste.

Tiens ! observaient les villageois, monsieur Lahaye a perdu un pain de sa fournée.

En effet, le castor avait fait demi-tour en avant, et les sourcils, guère plus fournis que la barbe grisonnante, disparaissaient presque entièrement sous le cercle concave du volume tubulaire plus haut décrit.

Se trouvait-il en présence d’un personnage dont il redoutait l’ascendant — monsieur le maire, par exem-