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ben ! qu’il boude pour de bon à c’t’heure ! J’sus pas de ceux qu’on fait tourner comme une aile de moulin à vent. Quand j’dis oué, c’est oué, et quand j’dis non, c’est non. Demandez-moé n’importe quoé, M’sieu le curé, mais pas ça, mais pas ça, non pas ça !

***

On était arrivé à la mi-décembre. De tous côtés on se préparait aux fêtes de Noël et du nouvel an. Les actives ménagères, les manches retroussées au-dessus du coude, enfonçaient dans la pâte souple leurs bras blancs de farine afin de faire une provision de ces bons beignes dorés saupoudrés de sucre et de ces énormes pains de Savoie glacés qu’elles conserveront dans des coffres et des boîtes de ferblanc jusqu’aux fêtes. Les jeunes filles, alertes, joyeuses, époussetaient, balayaient, frottaient, astiquaient. Partout la gaieté, partout l’expectative de grandes réjouissances.

Et cependant, dans la demeure de Narcisse Bigué, immense comme un désert depuis six mois, le chagrin s’était installé en maître. Louise, depuis quelques semaines, était tombée dans un état de langueur, un abattement dont son père ne pouvait la tirer. La pauvre enfant, elle s’éteignait comme une lampe qui manque d’huile. Un soir, elle dut prendre le lit. Bigué fut alarmé. Il courut chez le médecin.