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Il y avait cinq mois maintenant que les parties de dames avaient été interrompues ainsi que les bonnes soirées de Philippe et de Louise. Les foins avaient été coupés, la dernière veillotte tout enrubannée avait été engrangée, mais Louise était encore fille et Philippe, garçon.

De gai et expansif ce dernier était devenu sombre et taciturne. On ne le voyait plus à aucune fête du village. Deux fois, Noé Brunel, que la mine affligée de son pauvre garçon mettait tout sens dessus dessous, avait arrêté son voisin sur le perron de l’église, après la grand’messe. Il l’avait supplié de faire la paix, de reprendre les parties d’autrefois, et de bâcler, comme il disait, le mariage de Louise et de son gars qui se rongeait les sangs et dépérissait à vue d’œil. Le bonhomme n’avait rien voulu entendre. Monsieur le curé lui-même, brave homme s’il en fût jamais, peiné de cette division entre ses deux meilleurs paroissiens, avait tenté d’arranger les choses. Mais l’entêté paysan s’était montré sourd à tous les arguments de la pacifique et pressante intervention de son curé. À chaque bonne parole, à chaque effort de persuasion de ce dernier il répondait dans ce sens :

— M’sieu le curé, j’ai une ben grande estime pour vous, j’veux pas de mal à Brunel, mais c’est lui qui se l’est attiré. S’il était revenu jouer aux dames, le lendemain de l’affaire, rien de tout ça serait arrivé. On aurait continué comme par-devant. Il a voulu bouder, eh