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avec un frisson devant l’église aux vitraux illuminés. Des fidèles alors, emmitouflés, encapuchonnés, le cou engoncé dans des capotes et des manteaux d’étoffe ou de fourrure, roulaient presque en dehors des traîneaux tout blancs, semblables à ces bonshommes de neige que les enfants façonnent dans les champs.

En notes joyeuses, légères, religieuses, enthousiastes, les cloches sonnaient, laissant chanter mystérieusement en cette nuit incomparable leurs belles âmes célestes.

Cependant une porte restait close. C’était celle de la maison en cailloutage, dont les murs n’étaient plus tapissés que de branches dénudées et entremêlées lamentablement. Dans sa chambrette, Louise s’étiolait comme la fleur qui aspire après une pluie bienfaisante pour relever vers le ciel sa tête qui retombe avec tristesse sur sa tige. La jeune fille ne dormait pas. Elle écoutait la musique charmeresse des cloches qui carillonnaient si béatement en cette nuit de Noël, mais qui tintaient dans son pauvre cœur endolori comme un funèbre glas. Des larmes roulaient le long de ses joues émaciées qui avaient pris la teinte de vieille cire. La pauvrette, elle songeait qu’il y avait un an à cette heure solennelle, elle aussi se rendait à la messe de minuit aux bras de Philippe, et qu’au réveillon donné par son père elle avait promis au jeune homme que dès les foins finis elle serait sa femme.

Narcisse Bigué, lui, la tête penchée, les mains derrière le dos qui s’était voûté depuis six mois, marchait à pas