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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/136

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faut très souvent se défier des jeunes filles trop décorées.

D’abord, la malheureuse avait un défaut capital : comme elle connaissait son orthographe et était atteinte de romanesque, elle faisait des chroniques pour les journaux. De là à se croire un Georges Sand il n’y avait qu’un pas. Ce pas, elle l’avait franchi.

Prétentieuse, fantasque, autoritaire, parlant à tort et à travers et plus souvent que son tour, ce n’étaient certes pas des qualités destinées à la rendre sympathique.

Cependant, ô insondabilité du cœur humain, un jeune homme, et charmant, s’était laissé prendre à ces défauts.

Dire que Charles Miron, trente ans, joli garçon blond, courtier heureux en affaires, n’avait d’yeux que pour Mlle Prudence, ce serait peut-être exagérer les choses. Mais, en attendant mieux, il l’aimait comme un frère, bien que ce ne soit pas toujours une preuve irréfutable d’affection.

***

La famille Robichon se mettait à table pour le repas du soir quand Prudence, avec un claquement de porte, fit irruption dans la salle à manger.

— Papa, s’écria-t-elle, les cils humides, c’est une pitié que de laisser paraître ta fille dans la rue avec cette