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guenille de chapeau. Depuis le printemps que j’ai la même coiffure, et nous sommes au mois de juillet. Mes amies me montrent du doigt.

M. Robichon déplia lentement sa serviette qu’il se noua autour du cou.

— Ma fille, répondit-il après un silence, n’est-ce pas toi qui insiste tant que j’achète une automobile ? La condition, ne l’as-tu pas acceptée volontiers : économie sur toute la ligne. Il nous faut couper dans les dépenses. Deux chapeaux, c’est du luxe. En ai-je deux, moi ?

Prudence se tut. Mais, au lieu de prendre place à table, elle monta à sa chambre.

À ce moment, Pancrace, l’aîné, remisait sa bicyclette.

Il entra dans la maison en s’épongeant le front.

J’ai les dents longues, dit-il, comme il s’asseyait. Dix milles de bécane dans les jambes ça vous creuse le ventre.

— Passe-moi ton assiette, dit Mme Robichon, plantureuse matrone de 250 livres au nez retroussé et les yeux jaunâtres cerclés d’une paire de lunettes.

Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda le jeune homme.

Ça, reprit Mme Robichon, c’est le reste du mouton d’hier soir ; ça, c’est de la fricassée.

— C’est tout ?

— C’est tout.

— On n’est pas à un banquet, remarqua Pancrace en grimaçant.