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contre les piétons les bras pleins d’étrennes, échappant aux véhicules sous la protection du dieu des ivrognes, il zigzague çà et là, se cramponne à des poteaux dont les lampes électriques s’allument dans la nuit qui se fait et qui lui semblent autant de phares du salut…

Soudain, il s’écroule dans un banc de neige…

***

Marius Ducharme se rendait à pied chez un ministre où il devait dîner. Fin causeur, de bonne naissance, charmant, on avait insisté pour qu’il répondît à l’invitation. Il avait accepté avec d’autant plus d’empressement qu’on devait le présenter à une blonde attirante qui venait d’apparaître dans le firmament du high life de la capitale et y scintillait avec tout l’éclat de Vénus.

Le front dans les étoiles, le cœur plein de son rêve, Marius marchait allègrement, quand il choppa contre une masse inerte et noire dans la blancheur de la chaussée. Le jeune homme s’aperçut bientôt qu’il se trouvait en présence d’un être dont les jambes faibles refusaient de servir plus longtemps la tête trop lourde. Elles étaient en grève.

Un sergent de ville venait vers eux ; les curieux s’attroupaient.

Marius consulte sa montre : il a tout juste le temps de se rendre à son invitation.

— Tant pis, dit-il avec une décision soudaine, mais il