Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
– 166 –

C’est ce qui fit remarquer que le jeune homme était venu dans ce village ensevelir quelque inoubliable affaire d’amour.

Qu’il eût aimé ou non, cela ne l’avait pas empêché de s’éprendre tout d’un coup de la belle Rosalyne aux yeux de velours et au diadème d’or fauve.

La chose était arrivée par un clair midi de dimanche qu’il avait rencontré la jeune fille tout de noir habillée, à cause d’un deuil récent, au sortir de la grand’messe, le livre de prières sous le bras et le chapelet de nacre enroulé dans les doigts blancs.

Pas une parole, deux regards qui se croisent, et tout de suite l’amour avait pris naissance ; en lui, avec la conviction expérimentée de la vie ; en elle, avec un trouble virginal et inquiet, comme la violette au délicat parfum qui ouvre en tremblant ses pétales aux baisers ardents de l’astre du jour.

Et depuis trois mois que le hasard les avait mis en présence l’un de l’autre, à l’un des tournants de la grande route de la vie, ils s’aimaient honnêtement et comme des fous ; lui, avec l’emportement de sa nature nerveuse, elle, avec une ardeur contenue.

Assoyons-nous là ? demanda Julien, en montrant une grande roche plate, qui s’était détachée du Cap.

— Je veux bien, fit-elle.

Ni l’un ni l’autre ne parlaient. Il ne faudrait pas avoir aimé pour ignorer l’éloquence émue de ces silences prolongés. Les mots montent puissamment du cœur aux lèvres, tour à tour tendres et passionnés.