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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/167

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Et l’on veut tant dire qu’on ne dit rien.

Julien contemplait le profil de camée de la jeune fille assise à ses côtés.

Rosalyne cueillait nonchalamment, à portée de la main, des glaïeuls bleus aux pétales veinés de jaune, tandis que ses yeux doux reposaient sur le lac.

Soudain, d’un mouvement brusque, presque brutal, le jeune homme s’empara de la main posée sur la roche.

— Rosalyne, ma Rosalyne, je vous adore !…

Et comme celle-ci avait baissé sur lui ses longs cils de soie avec un sourire affolant, il se laissa tomber à genoux en disant tout bas comme effrayé de sa propre voix :

— Rosalyne, voulez-vous être ma femme ?…

Pour toute réponse, la jeune orpheline se jeta dans les bras de Julien.

Et elle pleura.

Pleurs joyeux qui tombaient goutte à goutte dans le cœur de l’aimé comme la pluie bienfaisante dans le sol brûlant d’où sortiront les blés murs et le bonheur…

Ce soir-là, quand le sonneur mit en branle l’airain sonore pour lui faire chanter la salutation angélique, c’était sa bonne nouvelle à lui qu’il annonçait à tous. Jamais la Vierge des vierges n’avait eu d’aussi enthousiaste sonneur pour son angélus. Les cloches, folles de joie, dansaient, chantaient, criaient, pleuraient. Elles emportaient le cœur du fiancé de Rosalyne dans le ciel radieux de ce soir de juin, coupé, là-bas, à la crête des Laurentides, par la longue bande pourpre et argent du soleil couchant…