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LA GUIGNOLÉE



Dans la bonne vieille petite ville de Trois-Rivières, je me remémore que, lorsque je n’avais pas deux coudées de haut, le terrible Croquemitaine, le farouche Ogrichon, le féroce Bonhomme Sept-Heures et l’impitoyable Quêteux dominaient de leur odieuse toute-puissance mon imagination d’enfant.

Ma mère, perpétuant la tradition commune, ajoutait à tous ces êtres fantastiques les Guignoleux ou plutôt la Guignolée.

Mais, si les autres épouvantails avaient droit de cité toute l’année durant, la Guignolée ne faisait, elle, sa redoutable tournée que la veille du jour de l’an, de l’an neuf.

À huit heures précises, le petit monde devait être au lit, les draps tirés sur le menton et la tête enfouie dans les oreillers. Sinon, tout récalcitrant était enlevé dans la hotte de la Guignolée, pour être haché, pilé, mangé comme chair à pâté. Rien qu’à y penser je me souviens des frissons d’antan.