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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/176

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On comprend, a priori, que la perspective de ce festin de cannibale n’avait rien d’attrayant pour nous, et l’heure fatale n’avait pas encore sonné que la marmaille dormait à poings fermés. C’est alors que le bon Santa Claus pouvait dégringoler à son aise dans la cheminée sans être inquiété par nos yeux indiscrets et impatients.

Enfin, je me venge ! Cette satanée Guignolée m’a fait tant de mal ; elle m’a fait croire tant de fois que mes jours étaient comptés et que j’allais périr dans d’indicibles tourments que j’ai bien le droit, aujourd’hui, de démasquer toutes ses abominations.

Eh bien, non ! la Guignolée ne mange pas les petits enfants ; la Guignolée ne prend pas la fille aînée de la maison pour lui torturer les pieds. Elle accepte seulement les aumônes que les braves gens veulent bien lui donner pour que les pauvres aient, eux aussi, des miettes du bonheur du premier jour de l’an nouveau. Et la Guignolée, en reconnaissance du bienfait, ne peut que souhaiter aux fils la force et le courage et aux filles la beauté et la vertu.

La Guignolée, c’est l’ange de la charité qui affronte les rigueurs du froid et de la tempête ; oublie ; un soir, sa joie, pour se rappeler celle des délaissés de la vie ; la Guignolée, c’est la voix de l’Homme qui crie que nous sommes tous frères, et que si les uns se gorgent : de bien-être et de douceurs, il n’est pas juste que les autres n’aient que de sordides haillons pour les garantir contre la bise, et rien à se mettre dans le ventre ; la Guignolée c’est l’envoyée du Dieu fait homme, du Dieu