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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/191

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lui ai juré, là, sincèrement, du plus profond de mon cœur, de ne jamais quitter le noir.

Lionel, (un sourire impie sur les lèvres). — Le noir sied si bien aux jolies femmes qui ont la blondeur des blés…

Mme Beaudry (les sourcils froncés). — Monsieur !…

Lionel. — Loin de moi, ma chère Madame, l’idée de vous faire de la peine. Mais enfin ! laissez-moi ajouter quelques mots à cette conversation que vous taxiez tout à l’heure d’horrible. Ne voudrez-vous donc jamais convenir que la coutume, la mode, de porter le deuil, de s’affubler de noir durant des mois et des mois, est un des trop nombreux vestiges de la barbarie moyenâgeuse, de l’encens que l’on brûle devant l’idole du respect humain ? S’il faut juger de l’immensité de la douleur par les démonstrations extérieures, pourquoi donc ne plus louer des femmes pour venir pleurer aux funérailles comme chez les anciens ?… Pourquoi ne pas imiter les barbares de nos jours, et pratiquer, en signe de deuil, l’ablation des pieds, des mains, du nez, des oreilles, la fustigation, l’ensevelissement, et que sais-je ?…

Dieu merci ! j’ai le culte, des morts. Moi, qui ai perdu mon père et ma mère depuis des années, je leur ai gardé un souvenir qu’on ne soupçonne pas… Et, si j’avais l’infortune de vous voir partir, vous, Madame, n’allez pas croire que je m’arracherais les cheveux, ni