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Paul (sortant son portefeuille). — Permets-moi de te prêter une couple de dollars.

Roland. — Tu es bien aimable. Dans le malheur on reconnaît les vrais amis, mais, je ne puis accepter. Je le regrette. Nous sommes de bons amis et je ne veux pas que pour deux misérables dollars, nous devenions d’irréconciliables ennemis. Car tu sais, entre nous, si tu me prêtes de l’argent, j’ignore quand et si jamais je te le rendrai. Et en dépit de toutes tes excellentes qualités, si je ne te rends pas l’argent que tu m’auras prêté, tu m’en voudras toujours. Ainsi donc, encore une fois, je te remercie, et n’en parlons plus.

Paul. — Tant pis. Enfin, mon cher Roland, oublies-tu que nous vivons dans un siècle pratique avant tout. Tu n’as plus que deux ans d’études. Ton père est riche. Tu es intelligent. Les dédales de l’Université ne sauraient t’effrayer. Aussitôt que tu auras ton diplôme, ton père te cédera une partie de ses patients. Tu n’auras donc pas, comme tant d’autres moins heureux que toi, à soigner, durant des mois et des mois, des malades qui ne te paieront qu’en belles paroles et en remerciements. Je ne comprends pas que tu lâches ainsi la proie pour l’ombre. Crois-tu que l’étude du génie civil soit un jeu d’enfant pour moi, et cependant, je pioche…

Roland. — Encore une fois, je te le répète, c’est plus fort que moi.