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Paul. — Je pioche, car, à l’extrémité de ce chemin pierreux qu’est la vie d’étudiant, je vois scintiller une étoile, l’avenir et ses promesses et une femme bonne, aimante, gracieuse, qui me remboursera au centuple des quelques sacrifices que je me serai imposés pour me rendre jusqu’à elle et m’élever à la hauteur de son affection, de ses vertus et de sa beauté. Aimes-tu, Roland ?

Roland. — Moi, non ; je n’ai jamais aimé…

Paul. — Voilà ce qu’il te manque : l’amour. Si tu avais, pour soutenir ta vaillance dans ce vide dans lequel tu te débats, l’amour d’une femme aimée, si tu étudiais à la flamme de ses yeux, si, par sa tendresse, tu sentais se réchauffer et vivre sous tes doigts paresseux et apathiques les pages froides et arides d’un traité barbare, si tu te disais : Dans deux ans, un an, demain, j’aurai oublié tous mes labeurs, mes anxiétés, mes veilles en reposant sur le sein d’une petite femme que j’adore et qui m’adore cette tête labourée en tous sens de termes scientifiques tels que jamais l’Achéron n’en inventa dans sa fureur pour punir les humains, oh ! alors, mon cher ami, tu trouverais dans ton âme lassée une ardeur neuve et inconnue, et, comme les grands saints à la pensée du paradis, tu répéterais avec transport : « Encore ! Seigneur ! Encore ! »

Roland (ironique). — C’est à l’école polytechnique que tu as appris cela. Eh bien ! mon cher, je t’en fais