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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/33

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tarisati souffre depuis plusieurs lunes d’un mal qui le consume. Depuis que Nénuphar-du-Lac l’a regardé de ses yeux troublants, le bras de ton guerrier ne bande plus l’arc avec autant de fermeté ; son œil n’a plus la même limpidité quand il lance sa flèche au cœur de l’ennemi ou de la bête fauve.

— Je le sais, repartit simplement Kiotsaeton.

— Quand donc alors Nénuphar-du-Lac ornera-t-elle le wigwan d’Aontarisati ?

— J’ai posé mes conditions, fit le capitaine iroquois avec un mouvement de fierté mêlé d’impatience.

— Soit, j’accepte, reprit l’autre.

Alors, parlant si bas, que c’est à peine si le sagamo pouvait l’entendre :

— Si cette nuit même, continua-t-il, je vais seul aux Trois-Rivières, si je me rends compte des positions des visages-pâles, et que je sois de retour avant que le soleil ait atteint la hauteur de ces pins, me donneras-tu ta fille ?

Kiotsaeton fut quelques instants avant de répondre.

— Et qui me dit que tu feras réellement ce que tu me proposes ? demanda Kiotsaeton sur un ton d’incrédulité.

Le jeune Indien frémit. Instinctivement, il serra le manche de son couteau à sa ceinture en peau de daim.

— Ton frère n’a jamais menti, répliqua-t-il, les dents serrées.

Et, levant au ciel son bras musculeux chargé d’anneaux de cuivre, il ajouta :

— J’en prends à témoin le grand Manitou !