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exposée aux assauts répétés des Iroquois, qui tombaient sur la place comme des fauves dans les ténèbres.

La jeune et jolie comtesse de Champflour, épouse du commandant, venait de se lever.

Elle était agitée d’une appréhension dont elle ne pouvait se rendre compte, et qui l’obsédait, comme une méchante bête.

Devant ses yeux inquiets de mère aimante et dévouée passaient des visions de danger comme des oiseaux de mauvais augure aux grandes ailes noires.

Elle s’assit près du lit de son fils Jean, à peine âgé de cinq ans. Un rayon de lune éclairait la délicieuse figure de l’enfant aux cheveux noirs bouclés. Et celui-ci dormait paisiblement, comme s’il avait eu conscience de l’ange tutélaire penché amoureusement au-dessus de son lit, ange dont la tendresse et le dévouement sans bornes ne peuvent être que l’œuvre d’un Dieu.

La comtesse, veillant sur son enfant au front pur et à l’âme immaculée, se rappelait ses caresses, quand, le soir, elle l’avait mis sur ses genoux pour sa prière.

Était-ce illusion, il lui semblait que Jean, ce soir-là, l’avait embrassée avec plus d’affection que d’habitude quand il lui avait passé son bras autour du cou.

— Bonsoir, maman chérie, avait-il dit.

— Bonsoir, mon Jean, avait-elle répondu.

Et, avant d’abaisser ses longs cils bruns sur ses yeux remplis de candeur et d’intelligence, l’enfant avait demandé :

— Dis, maman, les Iroquois, y viendront jamais nous faire bobo ici, dis ?