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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/46

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dant, cet Indien, nu jusqu’à la ceinture, était vêtu de hauts-de-chausse en peau de daim bariolée de peinture en forme de passements fort jolis. Ses souliers avaient été taillés dans la peau du même animal.

À sa ceinture pendait un long couteau, la seule arme que l’on vît sur lui, à ce moment.

Cet Agniehronnon, couché, semblait grand. Ses membres étaient bien développés. La flamme se reflétait sur sa figure en tons tranchés, accentuant des traits nobles et déterminés. Il avait le nez arqué, le front haut, l’œil noir, la bouche mince, et l’ove parfait du visage de l’Agnieronnon.

Sa peau bronzée, mais pas autant que celle des Indiens qui l’entouraient, était rayée de bleu, de rouge et de noir. Ses cheveux, d’un noir de jais, étaient relevés au sommet de la tête en une torsade que dominait une plume d’une blancheur de neige.

C’était Andioura, l’enfant des antiques preux français, l’héritier du sang des croisés, dont la fatalité avait fait un fils des bois d’Amérique, un des ennemis de la Nouvelle-France.

Et, cependant, bien que Jean de Champflour eût oublié jusqu’à l’origine de sa race, bien qu’il se crût un des enfants terribles et nomades de ces bois, ne connaissant d’autre langue que la langue indienne, n’ayant d’autre religion que celle du paganisme, bien qu’il se fût acquis, même à vingt ans, un renom de guerrier fameux, néanmoins, ce soir-là, comme toujours, sa figure était couverte d’un nuage d’éternelle mélancolie.