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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/47

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N’était-ce pas que les conditions physiques de la nature peuvent modifier l’apparence de l’homme ; que les habitudes contractées au cours de la première existence peuvent être anesthésiées ; mais que l’âme, elle, n’a pas d’âge, est immortelle.

L’âme d’Andioura appartenait au comte et à la comtesse de Champflour, elle appartenait à la France d’Amérique, elle appartenait à un Dieu qui n’était pas le Soleil qu’on lui faisait adorer, et que l’on avait badigeonné sur toutes les huttes de la bourgade.

Andioura ne ressemblait-il pas à ces oiseaux en cage qui jouissent de tous les bienfaits de la vie, excepté de la liberté ? Ils ignorent parfois qu’ils n’ont pas toujours été encagés, mais ils se sentent privés d’un bien qu’ils ne peuvent expliquer. Ce bien, c’est leur liberté, tout libres qu’ils paraissent être, c’est le retour au milieu des leurs qu’ils croient n’avoir jamais connus, mais dont les premières tendresses ont laissé dans le secret le plus intime de leur être un souvenir impérissable.

Comme l’oiseau captif, Andioura chantait, mais dans sa voix il y avait des sanglots qui appelaient les larmes.

Combien de fois Aontarisati ne fut-il pas sur le point de dévoiler au Français le secret de son origine.

Mais le sagamo des Agniehronnons aimait Andioura.

Il l’aimait pour lui, pour la gloire qu’il faisait rejaillir sur sa tribu par ses exploits ; il l’aimait à cause de Biche-Blanche, sa seule enfant.

Et ce soir-là, le sagamo, qui n’avait pas de fils, qui, d’esclave avait fait d’Andioura son fils adoptif, rêvait