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gnol qui chante au-dessus de nos têtes dans la ramure embaumée des parfums du soir, détourneras-tu tes regards de ton frère Andioura s’il épanche dans ton cœur les sentiments qui l’agitent ?

— Que mon frère parle, répondit Biche-Blanche en levant les yeux sur le jeune homme, mais en les baissant aussitôt, sa sœur l’écoute.

— Cinq hivers ont blanchi tour à tour cette terre en fleurs et ces arbres géants depuis qu’Andioura porte dans son cœur l’image de la fille d’Aontarisati.

C’était pour lui être agréable qu’à la chasse il tuait les élans les plus rapides, les ours les plus redoutables, les loups les plus cruels. C’était pour lui plaire que dans les combats les plus sanglants il s’élançait au plus épais de la mêlée.

Et c’était l’image de Biche-Blanche qu’Andioura avait devant les yeux, quand, il y a vingt nuits, attaché au poteau de torture par les Hurons, il entonna son chant de mort. Et, s’il n’avait été délivré par le brave sagamo suivi de ses guerriers, Andioura serait mort au sein des tourments en chantant la louange de Biche-Blanche, plus belle et plus suave que le lys de la vallée quand il offre aux baisers du soleil du matin ses pétales blancs tout pleins des diamants de la nuit.

N’était-ce pas une scène étrange que ce rejeton des siècles illustres des lettres et des arts, que l’on avait bercé aux chants de la savoureuse langue française, charmât dans le langage indien, le seul qu’il connût, les