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à mort sans se laisser attendrir par son âge et sa faiblesse.

— Monsieur le comte, dit le Jésuite, avec onction, je comprends l’énormité de votre douleur. Puissé-je vous soulager en m’y associant, je le ferais de grand cœur. Mais ces douleurs sont, je le soupçonne, de celles qui ne se partagent pas, tant elles sont cruelles.

Dieu vous voit et vous entend. Soyez homme, soyez chrétien. Dans quelques années, vous serez uni pour toujours à votre fils. Que sont dix, vingt, trente ans, si l’on songe à l’éternité ?

Le missionnaire et le soldat étaient arrivés à quelques pas des Indiens en embuscade.

Andioura sait par expérience que le missionnaire n’offre jamais de résistance. Aussi, ne pense-t-il qu’à s’emparer du soldat sans perdre un seul homme.

Un guerrier agniehronnon a bandé son arc et se prépare à lancer une flèche à M. de Champflour.

Andioura pose la main sur la flèche et dit au guerrier :

— Arrête, ce visage-pâle m’appartient.

Et s’adressant aux autres Indiens :

— Saisissez-vous de la robe noire. Quand nous serons de retour dans notre pays, je veux que vous racontiez au sagamo ce que vous aurez vu.

Les Iroquois se jettent comme des vautours altérés de sang sur le missionnaire, qui, comme l’avait prévu Andioura, ne présente aucune résistance, dans le secret dessein de porter le flambeau du christianisme au cœur même du pays ennemi.