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— Hélas ! elle n’est pas très bien, répondit le comte. Depuis quinze ans, cette femme souffre plus qu’elle ne veut le laisser voir.

— Pauvre mère !

— Mon révérend père, un seul remède pourrait la guérir. Ah ! si Dieu voulait faire un miracle et nous le rendre. Mais hélas ! il est bien mort, notre petit Jean adoré, mort pour toujours.

Tenez, mon révérend père, continua le comte, tandis que ses cils se mouillaient, il me semble que c’est hier, tellement tout est vivace dans mon esprit. C’est le dernier soir que j’ai joué avec lui. Le cher enfant avait grimpé sur mon dos, et hope-là, me voilà galopant partout dans la maison. J’étais son cheval de bataille.

Et Jean riait, riait. J’entends toujours son rire d’argent perler dans mes oreilles.

Ah ! non, dit M. de Champflour, en mettant la main sur son cœur, même après quinze ans, il vaut mieux ne pas parler de ces choses, ça fait trop mal là.

Et après un moment :

— Mon Jean, aujourd’hui, serait âgé de vingt ans, et je vous assure, mon révérend père, que la Nouvelle-France aurait un vaillant soldat de plus, et moi, un fils charmant et chéri.

— Et vous n’avez jamais retrouvé les ravisseurs ? demanda le missionnaire avec un sympathique intérêt.

— Je l’ignore. J’ai livré nombre de combats à des troupes iroquoises, mais je n’ai jamais revu mon fils. Voilà ce qui me porte à croire que ces barbares l’ont mis