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tout parce qu’elle lui mérite Biche-Blanche, la fameuse beauté des Agniehronnons, la fille charmante d’Aontarisati le sagamo, celle qu’il aime avec toute la fougue et les illusions de la jeunesse ?

Et cependant, l’âme de l’Indien est triste jusqu’à la mort. Il ne quitte plus des yeux le soldat à chevelure blanche. Son regard est chargé de compassion.

C’est en vain qu’il s’irrite de ce sentiment de pitié pour un prisonnier, qu’il prend pour de la lâcheté.

Plus il regarde M. de Champflour, plus il s’attendrit.

Une seconde nature ne peut jamais, quoi que l’on fasse et quoi que l’on dise, supplanter celle que nous apportons en naissant.

Andioura avait été dompté à la vie de l’Iroquois ; il avait adopté les mœurs et les habitudes de cette race sauvage et cruelle, mais son cœur était resté français, son âme appartenait au Dieu qui l’avait fait chrétien.

Andioura demeurait le fils du comte et de la comtesse de Champflour, l’héritier d’un sang noble et généreux.

Soudain, il fait un mouvement brusque, comme pour se lever.

Il se rasseoit avec accablement.

— Biche-Blanche ! murmure-t-il.

Je perdrais pour toujours la fille d’Aontarisati que j’aime plus que mon arc et mes flèches, plus que tous les combats qui m’ont donné de la réputation, plus que moi-même.

Et soudain, comme s’il eût voulu chasser une image