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Tomber sans qu’aussitôt un roi te ramassât,
Tu n’es plus aujourd’hui qu’un décrochez-moi ça,
Et si je te jetais, ce soir, par la croisée,
Où donc finirais-tu, vieux bicorne ?

Flambeau. (Dans l’ombre à part).

Au Musée.

Metternich. (Tournant le chapeau dans ses mains).
Le voilà, ce fameux petit !… Comme il est laid !
On l’appelle petit, d’abord est-ce qu’il l’est ?
(Haussant les épaules, et de plus en plus rancunier).
Non. — Il est grand. Très grand. Énorme. C’est en somme
Celui, pour se grandir, que porte un petit homme !…
(L’AIGLON, Troisième acte, Scène VII).


Il était grand, très grand, énorme. Le bicorne du vainqueur d’Austerliz ? Non : le castor de mon oncle Césaire.

Je me rappelle l’avoir vu dans mon enfance, quand j’allais passer mes vacances à Bécancourt. Il m’est resté de ce souvenir l’impression d’un rêve étrange et confus. Et cependant, jamais je n’oublierai le castor de mon oncle Césaire. Figurez-vous un cylindre tapissé d’un poil qui avait dû être lisse dans les jours de sa pimpante jeunesse, mais que l’âge et les hasards d’une vie accidentée avaient rendu bourru, rébarbatif, et qui, au soleil, avait des reflets brisés de vieux cuivre repoli. Cette bizarre figure géométrique s’élevait à une hau-