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daines, avec tout le branlement des empesages de salons et de garde-robes, voilà ce que je me proposais bien de faire.

D’avance, je me faisais une fête de me rouler dans les flots saisissants et réconfortants de la mer, de m’étendre dans le sable chaud d’une plage solitaire qui ne porte pas quelque appellation pompeuse et aristocratiquement roturière où plus que jamais on est l’esclave de l’obsession des mondains émigrés aux eaux. En un mot, je me jurais de tout oublier, sans en excepter mes créanciers.

Et ne voilà-t-il pas que, dès mon arrivée en ce pays d’autant plus beau qu’il est moins connu, je m’éprends d’une jeune fille qui m’enlève la première des libertés : la pensée. Dorénavant, je ne devais plus faire un pas, un geste, sans penser à elle.

Quand je montai à bord de la voiture de l’hôtellerie, la belle m’accompagna longtemps du regard.

— Comment s’appelait l’ondine ? demandai-je.

Et Cornu et Planchon de blaguer :

— Anastasie ?

— Céleste ?

— Opportune ?

— Simplicie ?

— Peu importe le nom, rétorqua Charles, la voix maussade ; il n’enlève ni n’ajoute un iota aux qualités et aux charmes de l’être qu’on aime.

— N’empêche, répondis-je, que je préférerais me nommer Pierre ou Jean que Sémaphore.