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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/87

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bles commères plus empressées dans cette partie du pays que partout ailleurs de nous renseigner sur le compte du voisin.

Cet original, qui s’était marié sur le retour de l’âge, se teignait la barbe et les cheveux. De mauvaises langues prétendaient qu’il avait toujours porté le même chapeau, le même pardessus, le même gilet et la même chemise. D’autres, cependant, plus généreuses, expliquaient cette malice en disant que le notaire, depuis l’âge d’homme, avait adopté cette manière de s’habiller que les exigences des diverses modes successives ne lui avaient point fait quitter depuis. Sa garde-robe contenait alignés toute une série de pardessus et de couvre-chefs façonnés à Londres sur commande. Ces reliques feraient partie du bagage des héritiers.

Il ne buvait pas, ne fumait pas et jouait du violon.

Le soir donc, j ’arrive chez Mtre Marsolais.

Je me trouve devant une maison qui suinte l’antiquité comme son propriétaire.

Je soulève le marteau en cuivre poli.

La porte roule sur ses gonds.

Ô surprise ineffable ! inénarrable ébahissement ! Elle m’apparaît dans tout son éblouissement avec ses cheveux de flamme et ses yeux de lumière.

L’émotion m’a cloué sur place, muet et stupide.

M. Marsolais, est-il chez lui ? demandai-je enfin avec effort, comme dans un rêve.

Alors, d’une voix qui chantait à mes oreilles telle une harpe éolienne, elle me répondit avec grâce :