Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
– 88 –

— Oui, Monsieur, veuillez entrer.

Elle n’avait dit que cela et de ma vie je n’avais rien, entendu de si joli.

J’allais ajouter quelque parole aimable quand mon prince noir parut dans l’encadrement de la porte, toujours digne, solennel.

— Entrez donc, cher Monsieur, me dit-il, la main tendue.

— Monsieur Moreau, ma fille Suzette, ajouta-t-il en présentant.

Sa fille ! cet être incomparable ! pensai-je avec ahurissement. Elle, l’enfant de ce peau-rouge ! Est-il surprenant, après cela, que Darwin nous donne le singe pour aïeul. Je serais curieux de voir la mère.

— Au nom de tout ce que tu as de plus cher ! interrompit Planchon, fais-nous grâce de la description de la bonne femme. C’est déjà assez de celle du vieux !

— Ça s’adonne bien : elle était morte.

— Il est huit heures et demie, Monsieur, me dit mon hôte ; nous sommes quelques minutes en retard, puisque nous commençons à jouer à huit heures précises tous les soirs. Ce que nous allons jouir de votre société ! Vous connaissez si bien le bridge !…

— Comment ! me dis-je alarmé, eux aussi ! mais dans quelle galère suis-je donc tombé ?…

Et, tandis que le notaire disposait les chaises autour du tapis vert :

— Vous savez, depuis la mort de ma sainte femme, et depuis que j’ai abandonné l’exercice de ma profession,