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je cours à elle, je me jette à genoux, et je lui déclare mon amour !…

Et déjà, j’allongeais le pas, quand, tout à coup, des voix criardes retentirent à mes oreilles :

— Ah ! ah ! Monsieur Moreau, c’est comme ça que vous fuyez la compagnie des dames pour les plages solitaires !

Je me retourne, je suis cerné.

— Marie, as-tu tes cartes ? demande une dondon au faux chignon à triple étage.

— Oui, ma chère, répond une grande flûte, au nez allongé en saxophone surmonté d’une paire de lunettes.

— Alors, une partie de bridge sur la grève !… Ce sera très original !…

Et toutes de battre des mains comme des oies qui se font aller les ailes.

— Nous étions trois, remarque la dondon, vous êtes le quatrième et le plus important… Il y a une demi-heure que nous vous cherchons…

Toujours trois !…

Et Marie sortit des cartes de son réticule…

À cette vue, je ne fais qu’un tour.

Pour comble de déveine, j’aperçois le notaire, comme un cerbère, se dirigeant vers sa fille.

Cette fois c’en est trop.

Je perds patience… J’oublie tout… et ma galanterie que l’on harcelle depuis quinze jours, et le Conseil privé, et les sarcasmes qui m’attendent à mon retour à Montréal, et surtout mon adorable et bien-aimée Suzette !…