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Chaque soir, avant de me mettre au lit, furieux, je faisais ma malle. Le lendemain, cependant, après avoir vu passer dans mes rêves la chaste Suzette, je débouclais, honteux, quitte à reboucler le soir même.

***

Emporté sur l’aéroplane de la renommée, mon nom avait franchi les frontières du village.

Ah ! que je comprends aujourd’hui le poids de la gloire et la tyrannie des grandeurs ! D’aucuns n’avaient songé à me demander qui j’étais ni d’où je venais.

j’étais le monsieur qui savait le bridge !

Ce parchemin d’honneur et d’intelligence supérieure m’ouvrait à deux battants les portes les plus récalcitrantes.

Un jour, par une exquise après-dînée, j ’étais descendu sur la plage, quand, à distance, je surpris Suzette, belle comme la mer calme et bleue dont la dentelle venait gracieusement couvrir ses jolis petits pieds roses.

Elle était seule, les yeux perdus dans l’immensité. Sa robe de mousseline mauve s’enroulait autour d’elle suivant les caprices de la brise légère. Les cheveux, sous l’étincellement du soleil, la couronnaient d’une auréole.

Cette fois, pensai-je, je suis certain de mon affaire :