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IX

DIGNE DE LUI


Neuf heures. Une pluie fine, glacée, mêlée de grésil, convertit les rues en ruisseaux, rebondit comme des balles dans les vitres et sur les toits en fer-blanc ; les verres des réverbères, surchauffés, crépitent sous l’action de cette pluie torrentielle.

Tantôt, un coup de vent fait crier les enseignes rouillées ; tantôt il emporte avec lui les coiffures et tourne les parapluies à l’envers. Ici, c’est un jupon féminin qui s’enfle tout à coup à l’instar d’un ballon, et qui fait penser un instant que sa désolée maîtresse va faire une ascension impromptu. Là, quelques lumières blafardes, tremblantes, apparaissent au milieu de l’obscurité. On dirait des âmes en peine en quête de prières, se promenant une torche à la main.

Sur la rue Notre-Dame, dans une maison plongée dans l’obscurité, une jeune fille est assise à une croisée. Son attitude est des plus impatientes.

— Non, bien sûr qu’il ne viendra pas ce soir, dit-elle.

Mais, comme pour donner un démenti à ses paroles, elle entend soudain un pas lourd qui devient de plus en plus distinct. Puis elle voit se dessiner la silhouette d’un colosse, vouant à tous les diables les madriers mal joints et pourris du trottoir. Sifflotant, les deux mains dans ses poches, son inséparable tuque bien campée sur sa tête, la barbe plus en broussailles