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FLORENCE

— Mais enfin, on peut pas traiter ces créquiens-là, comme des lutins, pas vrai ?

— Eh oui ! mais… mais…

« Allons, va les sonner, les glas : mais ne fais pas de bêtises. »

Baptiste ne se le fait pas répéter deux fois. En passant dans la cuisine il dit à Marianne en lui pinçant les bras :

— Fais-lui des bons fricots à m’sieu le curé, y a pas son pareil.

Il se rend en courant dans le porche de l’église, allume son fanal, se suspend à deux mains à la longue corde et commence à sonner.

Qu’il eût voulu faire passer son âme dans ses dociles amies de bronze !

Cette nature d’or brut semblait leur dire : « Abandonnez vos hymnes d’allégresse. Il ne s’agit plus de chanter les transports d’une mère qui vient d’enfanter son premier né, ni les extases du couronnement d’un amour immortel auquel l’Église vient d’ajouter le dernier fleuron.

« Pleurez, pleurez, mes vaillantes cloches, pleurez le martyre de deux héros dont l’amour réciproque et l’attachement pour la patrie ont été plus forts que la mort. Pleurez, pleurez cet amour plus pur et plus dur que la jaune topaze, et dont la vie a été celle de la plante odorante née le matin sous un rayon de soleil et fauchée le soir par la faucille impitoyable. »

Et Baptiste sonnait toujours.

Les échos de ce carillon plaintif pénétraient jusque dans les alcôves aux jalouses draperies.

Réveillés en sursaut, les citoyens se demandaient en