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FLORENCE

comme les canards sauvages, je sens la poudre de loin.

— Mais ils sont fous, disait un autre.

— Fous ! Non pas ; sache bien, mon ami, que les Canadiens n’ont pas coutume de se laisser piler sur les pieds en faisant semblant de dormir ; on n’insulte pas impunément à leur drapeau, à leur religion, à leurs mœurs, à leurs privilèges.

Leur conversation est interrompue par un piquet d’habits rouges qui, tentant de se donner un air imposant, commandent d’une voix brève :

— Circulez.

— Fort bien, murmure un robuste gars entre ses dents, mais un peu de patience, messieurs les Anglais, et nous vous ferons circuler à notre tour.

À mesure que le jour avance, l’animation augmente dans la ville.

À deux heures, une foule compacte est massée devant l’église Notre-Dame. Des hommes, des femmes, des enfants, des Canadiens, des Anglais, lisent et commentent la proclamation que les magistrats anglais, avertis par l’espion Chamberlain, avaient affichée là, défendant toute démonstration ou parade dans les rues.


Voilà le cas que j’en fais, moi, de vos proclamations


Soudain, un jeune homme fend la foule avec peine, et, sans la moindre hésitation, arrache la proclamation, la déchire en morceaux et en jette les débris au vent en s’écriant d’un ton calme et dédaigneux :

— Voilà le cas que j’en fais, moi, de vos proclamations.

Un silence de mort suit ces paroles. Tous semblent pétrifiés.