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FLORENCE

tous frères et ils ne refusent la porte à personne, fût-ce même à des Anglais.

Il donne deux ou trois coups de poing dans la porte.

— Bigre ! qui frappe si d’bon’heure ? C’est p’tête le gros Caïeux qui vient emprêter ma grise ?

— Non, papa, c’est un jeune homme à cheval.

— Un jeune homme à cheval ? En ben ! va ouvrir.

— Mais, papa, vous voyez bien que…

— Ah ! c’est vrai. Dame, que j’suis bête ! Va te rafistoler au plus vite.

Le bonhomme enfile son pantalon et descend pesamment l’escalier.

Il entre-bâille la porte et montre son antique tête blanche ornée d’une barbe fluviale. Une vraie barbe de Juif-Errant. En apercevant le jeune homme, qui a plutôt l’air d’un revenant que d’un simple mortel, le vieux s’écrie, en joignant ses mains calleuses :

— Ah ! Jésus, Marie ! d’où venez-vous ? Êtes-vous fantôme ou vivant ?

— Ni l’un ni l’autre. Mais, si vous êtes Canadien et catholique, donnez-moi une bouchée de pain et un verre d’eau.

— Tout un pain, si vous le voulez, et ben d’autre chose avec !

« Fanfan ! Alice !… Fanfan, Alice ! Holà en haut, les enfants, levez-vous ! Y est assez tard, vous avez de l’ouvrage en bas. »

— Oui, papa, une minute.

— Oué, oué, on y va !

Un jeune paysan, les yeux à demi fermés, la figure boursouflée, chaussé de sabots, et vêtu d’un pantalon