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FLORENCE

bon feu. Mais seulement j’ai une faveur à vous demander.

— Et ben ! quoi ?

— Voulez-vous me donner du tabac ?

— Rien que ça ? J’me fais fort de vous en donner du bon, du tabac que j’ai planté et cultivé moi-même. Y en a pas d’pareil à dix lieues à la ronde, pas même celui de P’tit Pierre à mon oncle Séraphin. Y a eu des avaries, ce pauv’tabac, lorsque… Mais tiens, me v’là encore qui commence à caquasser.

« Avez-vous une pipe ?

— Merci, j’en ai une. Car ma pipe, moi, voyez-vous, c’est comme la carabine du soldat, je ne m’en sépare jamais.

« Oh ! quel bon tabac !

« Mais votre nom, vous ne m’avez pas dit votre nom ? »

— Pierre Prunel, pour vous servir.

« Alice, Alice, mais qu’est-ce que tu fais, ma chouette ! Descends donc. »

— Oui, papa, j’y vais.

Hubert entend le grincement d’une trappe et il voit descendre la plus charmante petite villageoise qu’il eût jamais vue.

Toute petite, avec un visage de madone encadré de cheveux terre de Sienne, les yeux tout pleins d’innocence et de naïveté, elle semblait entrer dans la vie avec un regard surpris et interrogateur.

Étrangère aux grands mouvements de la politique, elle nourrissait cependant, en son for intérieur, une instinctive aversion pour la nation qu’elle entendait exécrer de tous côtés. Chaque soir, elle redisait avec